Lundi soir, j’étais censé écrire un article sur les loups-garous, ou sur le syndrome de l’imposteur, ou sur ma dernière lecture en date, je ne savais pas trop. Pas passer ma journée en larmes, moi qui ne pleure quasiment jamais, ou alors quelques larmes.
Oui mais voilà. Lundi, Notre-Dame a brulé.
Et ça parait idiot de passer une soirée à se ronger les sangs pour un monument, à craindre la chute de la flèche puis à la voir tomber encore et encore sans pouvoir arrêter de fixer les images, à se dire que les tours ne tiendront pas et imaginer le son, le son inimaginable de dizaines de cloches qui s’effondrent et celui encore pire de la cathédrale qui s’écroule, à pleurer sur les rosaces et cette lumière si belle qui risque de s’éteindre, ou sur les orgues et ce son peut-être perdu à jamais, et enfin, enfin, enfin à souffler devant les nouvelles rassurantes, la structure qui tient bon, les rosaces qui sont peut-être sauvables…
Oui, ça parait idiot. Mais c’est pourtant ce que j’ai fait, me ronger les sangs et pleurer.
Parce que lundi, Notre-Dame a brulé.
Et pourtant, je ne suis pas catholique, pas croyante, plutôt athée pure et dure. Mais j’ai toujours aimé les églises, leur atmosphère calme, toujours paisible, leur température toujours égale, leur obscurité tachée des couleurs vives des vitraux…
Je viens d’une cité médiévale, d’une cité d’architecture, d’une cité du vitrail. Quand j’étais enfant, avec mon école, on avait des « sorties patrimoines », une fois par mois, ou peut-être plus, je ne sais plus. Mais on parcourait notre ville, on découvrait les pans de bois, les cours cachées, les sculptures, et puis les églises et leurs joyaux. La tour unique de Saint Pierre Saint Paul, le jubé de Sainte Madeleine, la voute en bois et les vitraux en grisaille de Saint Pantaleon, et cette baie de vitraux baignée de lumière de Saint Urbain, celle qui m’a rendu amoureuse à jamais de ces assemblages de plomb, de verres et de pigments… (Oui, pour ceux qui se posent des questions, je suis de Troyes et je suis amoureuse de ma ville.)
J’aime les vieilles pierres, leurs histoires, leurs atmosphères. Si vous me paumez dans une nouvelle ville, vous pouvez être surs que je vais pousser les portes de tous les châteaux, de toutes les tours, de toutes les églises, des fois qu’elles s’ouvrent (sait-on jamais !). Je vais donner un coup d’ongle sur toutes les cloches que je croise, parce que j’aime leur son grave, photographier toutes les taches de couleur sur les piliers des transepts, tenter de trouver le meilleur réglage pour photographier les vitraux… Bref, j’aime les églises.
Alors quand je suis arrivée à Paris pour mes études… Notre-Dame est l’un des premiers lieux que j’ai visité, avec le Louvre. Je l’ai arpentée à l’aube, à midi, le soir, parfois en faisant la queue, souvent en grugeant les touristes, je suis montée à ses tours, je l’ai vue, encore et encore, saison après saison, depuis le parvis, depuis les quais, depuis les ponts, depuis la seine, depuis les quais, de jours, de nuit (ma vision préférée).
Et quand j’ai cherché comment illustrer cet article, je me suis rendu compte… que je n’avais quasiment aucune photo. Parce que… c’est Notre-Dame. Elle sera encore là demain, et après-demain, et encore tous les jours d’après. J’ai le temps d’attendre, de revenir, quand il fera beau, quand je n’aurais pas un milkshake entre les mains, quand j’aurais mon appareil photo et pas mon téléphone, quand j’aurais mes babioles pour m’amuser… J’ai le temps.
Notamment, ça fait longtemps que je voulais faire une série avec mes Funko Pop, celles qui représentent les deux personnages d’Assassin’s Creed Unity qui se déroule à Paris. Et je l’ai repoussée, encore et encore, parce qu’il ne faisait pas beau, parce que j’avais la flemme de bouger, parce que c’est plus fun (et plus pratique) à deux… Mais ce n’était pas grave. J’avais le temps. C’est Notre-Dame, elle veille depuis des siècles, elle sera toujours là demain.
Sauf que lundi, Notre-Dame a brulé.
Et ces photos, je ne pourrais plus
jamais les faire.
Ou du moins, plus jamais comme avant.
Bien sûr, une grande cotisation pour la reconstruction de Notre-Dame a été lancée. (Évidemment, beaucoup d’arnaques ont fleuri, donc si vous souhaitez donnez, je vous encourage à utiliser le lien que je vous indique et qui est officiel.)
Vous pouvez aussi donner aux églises ou aux monuments près de chez vous. Car la triste vérité est que beaucoup de lieux historiques n’ont pas assez de financements pour permettre des travaux qui seraient pourtant absolument nécessaires.
Mais j’ai aussi envie de vous dire de donner ailleurs, si vous le pouvez. Parce que si Notre-Dame est toujours debout, c’est grâce au courage et à l’acharnement de centaines d’hommes et femmes qui ont passé des heures à lutter pied à pied contre les flammes : les pompiers de Paris. Et c’est presque un miracle qu’il n’y ait eu aucun blessé grave ou aucune mort à déplorer parmi eux. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Donc, aujourd’hui, c’est à l’Oeuvre des Pupilles des Pompiers que je vous invite à faire un don.