La dragonne est de retour pour une nouvelle ballade scientifisante ! Après avoir parlé d’organisation sociale, si on parlait de calendrier lunaire ? Les loups ont-ils oui ou non une attirance particulière pour la pleine lune ? Et les loups-garous ?
1. Les loups
1a. Hurler à la Lune
Ah, ces belles images d’un loup tête renversée hurlant son amour à la pleine lune qui s’arrondit rien que pour lui. C’est beau, non ? Oui… mais simplement dans un mythe ou une histoire. Comme souvent, la réalité est bien plus prosaïque.
Comme on l’a vu dans le précédent article, les loups sont des animaux sociaux. Pour communiquer entre eux, ils utilisent une vaste gamme de signaux visuels (posture et expression) et comportementaux (se coucher sur le dos, lécher les babines des chefs de meute…) mais également vocaux. Le loup gémit et jappe quand il sociabilise avec ses parents (meute naturelle) ou ses supérieurs (meute artificielle), il aboie pour prévenir d’un danger ou pour menacer un concurrent, gronde pour remettre un enfant ou un inférieur en place…
Et puis, bien sûr, il y a le fameux hurlement. Là, c’est un signal à longue portée : il est estimé qu’il peut s’entendre jusqu’à environ 10 km en forêt, et encore davantage dans un environnement ouvert. Et c’est justement pour permettre cette portée que le loup lève la tête vers le ciel (donnant ainsi l’impression de hurler à la Lune) : la posture agit comme une caisse de résonnance, produisant pour un son plus clair et plus puissant. Les ondes sonores peuvent également diffuser plus loin sans rencontrer d’obstacle, le sol par exemple. (D’ailleurs, les humains font pareil : si vous criez le nom de quelqu’un, vous allez avoir tendance à relever un peu la tête, pas à regarder vos pieds.)
Le hurlement a plusieurs fonctions. Les loups hurlent pour se repérer et se rassembler (entre membres d’une meute), pour délimiter un territoire (entre meutes différentes), pour renforcer leurs liens, pour dire au revoir à un membre de la meute qui part… Les loups ont également la possibilité de moduler leur hurlement : des louveteaux qui ne veulent pas trop se faire repérer vont avoir un hurlement plus faible qui s’intensifie dès qu’un adulte les rejoint et qu’ils se sentent en confiance, une meute hurlera de manière plus grave et plus menaçante si une autre meute s’approche trop de son territoire, etc.
Il s’agit également d’un son communicatif : si un loup se met à hurler, le reste de la meute va généralement l’imiter (et les éventuelles meutes autour aussi : c’est par exemple très fréquent dans les parcs animaliers présentant plusieurs meutes).
En somme, les loups hurlent pour communiquer… et ça arrive toutes les nuits ou presque. Car oui, les loups sont des animaux préférentiellement nocturnes, même si ça dépend des régions et de tout un tas de facteurs. Pleine Lune ou nouvelle Lune, c’est du pareil au même !
1b. Et pour le reste ?
D’une manière plus générale, le cycle lunaire semble n’avoir aucun impact sur les activités des meutes de loups (ou en tout cas, la dragonne n’a rien trouvé de probant…).
Un des seuls impacts de la pleine lune sur les activités des loups pourrait concernent la prédation. En maximisant la quantité de lumière disponible, la pleine lune pourrait favoriser le repérage de proies et donc la chasse, ce qui occasionnerait des hurlements de regroupement. Cependant, il s’agit là d’une simple hypothèse : s’il existe quelques études sur les liens entre pleine lune et prédation chez les mammifères, les résultats montrent qu’il n’y a aucune règle générale, et la dragonne n’en a pas trouvé qui concernait spécifiquement les loups (si vous en connaissez une, je prends !).
Bref, il semblerait bien que les loups se fichent bien de la forme de la Lune au-dessus d’eux quand ils jouent !
2. Les humains
Là, les choses sont un peu plus compliquées (d’une manière générale, les humains sont compliqués). De nombreuses croyances ou légendes urbaines veulent que le cycle lunaire (et particulièrement la pleine lune) influence le comportement humain. La pleine lune rendrait les gens plus agressifs, il y aurait plus de cas d’hospitalisations psychiatriques, il y aurait plus d’accidents, il y aurait plus de naissances, on dormirait moins bien, etc.
Or la très grande majorité de ces croyances n’ont aucune base scientifique. Au contraire, de nombreuses études prouvent que ces liens sont soit clairement inexistants (il s’agit simplement de hasard ou de biais de confirmation, c’est-à-dire que l’on cherche inconsciemment les données qui vont dans le sens de nos idées préconçues), soit liés à des effets secondaires identifiables (si la pleine lune cause plus de crises d’épilepsie chez les personnes sensibles à la lumière, c’est uniquement parce qu’elle rend le ciel plus lumineux, et donc plus susceptible de déclencher une crise : la même personne enfermée sans voir le ciel n’aurait rien.).
Autrement dit, la lune n’est pas non plus censée influer sur le comportement humain.
3. Et donc, les garous ?
Bref, que ce soit du côté humain, ou du côté loup… Il n’y a aucune raison scientifiquement justifiée pour que la Pleine Lune influence le comportement d’un loup-garou.
Sauf que. Sauf que c’est quelque chose qui est si intrinsèquement lié au mythe du garou qu’il s’agit d’un passage attendu, voire obligé. Ainsi, la pleine lune est traditionnellement le déclencheur des transformations, une période tout à la fois de stress et de socialisation, etc.
Résultat, c’est à chaque auteur·trice qu’il revient de faire en choix. Vous voulez des loups dont l’humeur varie en fonction des phases de la Lune ? Lancez-vous. Vous préférez des loups qui s’en fichent totalement ? Ce serait un changement rafraichissant. Faites ce que vous voulez, le monde est à vous après tout !
4. Pleine lune ?
Au fait, la dragonne à un dernier rappel avant de vous quitter. La pleine lune est définie comme la période durant laquelle la lune apparait intégralement éclairée par le Soleil lorsqu’on la voit de la Terre. Selon cette définition, la durée de la pleine lune durerait une nuit entière (puisqu’on ne la voit pas durant le jour lorsqu’elle passe derrière l’horizon). Ça, c’est la définition courante.
Astronomique parlant, il y en a une autre, bien plus précise : c’est l’instant où les longitudes écliptiques de la Lune et du Soleil forment un angle de 180°. En français résumé, c’est lorsque la Lune et le Soleil sont à l’opposé l’une de l’autre para rapport à la Terre. Et vu que la Lune et la Terre ne sont pas immobiles, mais tournent le long de leur orbite… et bien cet instant ne dure qu’un instant, justement.
Un instant qui peut d’ailleurs être calculé (hop, les horaires pour 2019 si on est à Paris). Et qui peut tomber… n’importe quand, aussi bien en journée que la nuit. Et oui, le « vrai » instant de la Pleine Lune peut être en plein jour, voire à un moment où on ne voit même pas la Lune parce qu’elle est de l’autre côté de la Terre par rapport à nous.
Alors, il n’y a pas de raison que vos loups-garous ne sentent son influence que la nuit !
5. Et moi alors ?
Dans mon projet #Meute, je fais le grand écart entre « vive la science » et « en fait non ».
Concernant le calendrier, je suis l’option astronomique. Les périodes de pleine lune arrivent aussi bien la nuit qu’en journée, que la Lune soit effectivement visible ou pas, et j’ai choisi de les faire durer 6 heures : l’instant astronomique, 3h avant, 3h après (oui, c’est totalement arbitraire).
Par contre, pour le reste, j’ai opté pour l’option « alors, la science c’est bien, mais là j’ai pas envie, en fait ». Shame on me (ou pas). Résultat, le cycle lunaire influence le comportement et la physiologie des garous. La pleine lune pousse fortement mes loups à se transformer (même s’ils peuvent le faire en dehors), leur donne un boost d’énergie qui leur permet de supporter ladite mutation, elle rend mes loups plus à fleur de peau, ce qui exacerbe les tensions et le stress, mais c’est aussi un temps de sociabilisation et de consolidation des liens pour ma meute.
6. Bibliographie
Sur les activités et les hurlements des loups
– Harrington, Fred H., et al. « Wolf communication. » Wolves: Behavior, ecology, and conservation 3 (2003): 66-103.
– Mazzini, Francesco, et al. « Wolf howling is mediated by relationship quality rather than underlying emotional stress. » Current Biology 23.17 (2013): 1677-1680.
– Theuerkauf, Jörn, et al. « Daily patterns and duration of wolf activity in the Białowieza Forest, Poland. » Journal of Mammalogy 84.1 (2003): 243-253.
– Prugh, Laura R., and Christopher D. Golden. « Does moonlight increase predation risk? Meta‐analysis reveals divergent responses of nocturnal mammals to lunar cycles. » Journal of Animal Ecology 83.2 (2014): 504-514.
Sur les loups en général :
– Cet ouvrage a été partiellement traduit en français par des bénévoles et est disponible ici.
Sur l’influence de la lune sur les comportements humains
– Baxendale, Sallie, and Jennifer Fisher. « Moonstruck? The effect of the lunar cycle on seizures. » Epilepsy & Behavior 13.3 (2008): 549-550.
– Haba-Rubio, José, et al. « Bad sleep? Don’t blame the moon! A population-based study. » Sleep medicine 16.11 (2015): 1321-1326.
– Iosif, Alina, and Bruce Ballon. « Bad Moon Rising: the persistent belief in lunar connections to madness. » Canadian Medical Association Journal 173.12 (2005): 1498-1500.
– Gans, Joshua S., and Andrew Leigh. « Does the lunar cycle affect birth and deaths?. » Journal of Articles in Support of the Null Hypothesis 11.2 (2015): 31-36.
Voilà, c’est fini pour ce (pas si court) article sur la relation entre la lune et les loups, garous ou non.
Pour retrouver le reste de la série Loups-Garous, ce sera par là !
Voilà un article très intéressant et très bien documenté. J’aime aussi beaucoup la proposition d’Amaryan ci-dessus (ou ci-dessous, je ne sais pas comment s’incrémentent les articles), qui aurait même une justification scientifique de comptoir : le loup-garou étant loup ET humain, ce dernier étant fortement imprégné par son psychisme (il n’est que de voir le très important « effet placébo » pour s’en convaincre), qu’est-ce qui empêcherait un loup-garou de se croire supérieur lors de la pleine lune et, de ce fait, de l’être un peu ? En fonction de la croyance de chaque individu à cette superstition, l’effet pourrait être plus ou moins important.
J’ai lu dans Science & Vie que l’effet placébo fonctionnait aussi lorsqu’on disait au patient qu’il était soigné avec un placébo (basiquement avec de l’eau) plutôt qu’un médicament Les résultats sont un peu moins bons qu’avec un placébo masqué (on fait croire au patient qu’on le soigne), mais la différence n’est pas très importante. TOUT est dans la tête !
Ohhhhhh, l’effet de l’auto-conviction sur le métabolisme du loup-garou ! De base, je n’y avais pas pensé, mais c’est vrai que ça vaudrait le coup de creuser, tiens. Je note l’idée en tout cas, des fois que Cerveau veuille s’occuper un de ces jours.
« Je suis catégorique. Ceci est une oreille. » trop chouuuuuuuu ! ♥
L’article est très intéressant, bravo ! (et très bien illustré oo) Ce qui serait marrant au final c’est un loup-garou qui subit l’influence de la lune juste à cause de ses superstitions, tandis que d’autres loups seraient pas du tout impactés. XD
‘Oooh c’est la pleine lune je deviens violent je…’ ‘arrête tes conneries Michel’
Huhu, j’avoue, ce serait intéressant à tenter !